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histoire du roi omar… la mort du roi
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précieuse ! Car l’ami n’est point comme la femme d’avec qui on peut divorcer pour la remplacer par une autre ; et la blessure faite à un ami ne se cicatrise jamais, comme dit le poète :

« Songe que le cœur de l’ami est chose bien fragile et qu’on doit le surveiller comme toute chose fragile ;

« Car le cœur de l’ami y une fois blessé, est comme le verre délicat qui, brisé, ne peut jamais être raccommodé.

« Laisse-moi maintenant te rapporter quelques paroles des Sages. Sache, ô roi, qu’un kâdi, pour rendre un jugement vraiment juste, doit faire faire la preuve d’une façon évidente, et traiter les deux partis en toute égalité, sans témoigner plus de respect à l’inculpé noble qu’à l’inculpé pauvre ; mais surtout il doit tendre à réconcilier les deux partis entre eux, pour faire toujours régner la concorde entre les musulmans. Et, particulièrement dans le doute, il doit réfléchir longuement et revenir à plusieurs reprises sur son raisonnement, et s’abstenir si le doute continue. Car la justice est le premier des devoirs, et revenir vers la justice, si l’on a été injuste, est plus noble de beaucoup que d’avoir toujours été juste, et de beaucoup plus méritoire devant le Très-Haut. Et il ne faut point oublier qu’Allah Très-Haut a placé les juges sur la terre pour juger seulement des choses apparentes, et Il s’est réservé pour Lui seul le jugement des choses secrètes. Et il est du devoir du kâdi de ne jamais essayer de tirer