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les mille nuits et une nuit

chauffeur, prirent l’âne, et l’obligèrent lui-même à monter un magnifique cheval d’entre les chevaux du chambellan. Puis l’eunuque leur dit en particulier : « Vous allez être, durant tout le voyage, les gardes de ce chauffeur ; et chaque cheveu perdu de sa tête sera la perte de l’un de vous ! Ayez donc pour lui toutes sortes d’égards et soyez attentifs à ses moindres besoins ! »

Aussi lorsque le chauffeur se vit ainsi gardé par tous ces esclaves, il ne douta plus de sa mort ; puis il dit à l’eunuque : « Ô capitaine généreux, je te jure que ce jeune homme n’est ni mon frère ni mon parent, car je suis seul au monde, et je suis un pauvre chauffeur d’entre les chauffeurs du hammam. Mais j’ai trouvé ce jeune homme étendu mourant sur les déchets et les morceaux de bois à la porte du hammam, et je l’ai ramassé pour Allah ! Et je n’ai rien fait qui mérite de châtiment ! » Puis il se mit à pleurer et à penser mille pensées plus troublantes les unes que les autres, tandis que la caravane avançait, et que l’eunuque marchait à côté de lui et s’amusait à ses dépens en lui disant de temps en temps : « Tu as troublé le sommeil de notre maîtresse avec tes maudits vers, toi et ce jeune homme ; et tu n’avais guère l’air effrayé à ce moment-là ! » Toutefois, à chaque halte, l’eunuque ne manquait pas d’inviter le chauffeur à manger avec lui dans le même récipient et à boire avec lui le vin dans la même gargoulette, après en avoir bu, lui, le premier. Mais, malgré tout, la larme ne séchait pas dans l’œil du chauffeur, qui était plus perplexe que jamais et n’avait plus de nouvelles de son ami Daoul’makân,