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les mille nuits et une nuit

l’entrée de la tente de Nôzhatou. Alors l’eunuque pria Daoul’makân d’attendre et entra tout seul prévenir sa maîtresse en lui disant : « Voici que je t’amène l’homme en question. Et c’est un tout jeune homme de très belle figure et dont le maintien prouve une haute et noble origine. » À ces paroles, Nôzhatou sentit se précipiter les battements de son cœur et dit à l’eunuque : « Fais-le s’asseoir tout près de la tente et prie-le de nous chanter encore un peu de ses vers, pour que je les entende de près. Et ensuite tu t’informeras de son nom et de son pays. » Alors l’eunuque sortit et dit à Daoul’makân : « Ma maîtresse te prie de lui chanter quelques-uns de tes vers, et elle est à t’écouter, dans la tente. Et elle désire également savoir ton nom et ton pays et ton état. » Il répondit : « De tout cœur généreux et comme hommage dû ! Mais pour ce qui est de mon nom, il est depuis longtemps effacé, comme mon cœur est consumé et mon corps abîmé. Et mon histoire est digne d’être écrite avec les aiguilles sur le coin intérieur de l’œil. Et je suis devenu tel l’ivrogne qui a tellement abusé des vins qu’il en est devenu infirme pour la vie ! Et je suis comme le somnambule ! Et je suis comme le noyé de la folie ! »

Lorsque Nôzhatou, dans la tente, eut entendu ces paroles, elle se mit à sangloter et dit à l’eunuque : « Demande-lui s’il a perdu quelqu’un de cher, comme, par exemple, une mère, un père ou un frère ! » Et l’eunuque sortit et questionna Daoul’makân comme le lui avait ordonné sa maîtresse. Il répondit : « Hélas ! oui, j’ai perdu tout cela et, en plus, une sœur qui m’aimait et dont je n’ai plus de nouvelles,