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histoire du roi omar al-némân
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et revint se blottir à l’affût non loin du chauffeur du hammam.

Pendant ce temps, Daoul’makân était revenu de son évanouissement ; et le chauffeur lui dit : « Lève-toi maintenant, que je te raconte ce qui vient de nous arriver à cause de tes vers ! » Et il lui raconta la chose. Mais Daoul’makân, qui l’écoutait sans attention, lui dit : « Oh ! je ne veux plus rien savoir, et je n’ai plus de raison pour comprimer en moi mes sensations, maintenant surtout que nous sommes tout près de mon pays ! » Alors le chauffeur, épouvanté, lui dit : « mon enfant, assez écouter de la sorte les mauvaises suggestions ! Comment as-tu cette assurance, quand je suis moi-même plein de crainte pour toi et pour moi ? Par Allah sur toi, je te conjure de ne plus chanter des vers avant d’être arrivé tout à fait dans ton pays ! En vérité, mon enfant, jamais je ne t’eusse cru si entêté que cela ! Songe enfin que l’épouse du chambellan veut te faire châtier, car tu lui es une cause d’insomnie, alors qu’elle est fatiguée du voyage et indisposée : et elle a déjà par deux fois envoyé son eunuque te chercher ! »

Mais Daoul’makân, sans faire attention aux paroles du chauffeur, pour la troisième fois éleva la voix et, de toute son âme, il chanta ces strophes :

« Au loin ! Je ne veux plus de ces blâmes qui jettent le trouble dans mon âme et l’insomnie dans mes yeux.

Ils m’ont dit : « Comme tu es changé ! » Je leur dis : « Vous ne savez pas ! » Ils m’ont dit : « C’est l’amour ! » Je leur dis : « Est-ce que l’amour peut ainsi faire dépérir ? »