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les mille nuits et une nuit

à la recherche de l’homme à la voix : et il se mit à marcher entre les jambes des gens endormis et à les dévisager tous un à un ; mais il ne trouva personne qui fût éveillé. Alors il s’approcha du chauffeur, qui était assis sans manteau et la tête découverte, et il le saisit par le bras et lui cria : « C’est toi seul qui es le chanteur ! » Mais le chauffeur, terrifié, s’écria : « Non, par Allah ! ce n’est pas moi, ô chef des eunuques ! » L’eunuque dit : « Je ne te laisserai point avant que tu ne m’indiques le diseur de vers ! Car je n’oserai jamais plus retourner, sans lui, auprès de ma maîtresse ! » À ces paroles, le pauvre chauffeur eut une très grande peur pour Daoul’makân, et il se mit à se lamenter et dit à l’eunuque : « Par Allah ! Je t’affirme que le chanteur est un passant du chemin ! Et ne me torture pas davantage, car tu en rendras compte au Jugement d’Allah ! Je ne suis qu’un pauvre homme qui viens de la ville d’Abraham, l’ami d’Allah ! » Mais l’eunuque lui dit : « Soit ! mais viens alors avec moi dire cela de ta bouche à ma maîtresse qui ne me croit pas ! » Alors le chauffeur lui dit : « Ô grand et admirable serviteur, crois-moi, retourne tranquillement sous la tente ; et si la voix vient encore à se faire entendre, tu m’en rendras, cette fois, absolument responsable. Et moi seul, dans ce cas, je serai le coupable ! » Puis, pour calmer l’eunuque et le décider à s’en aller, il lui dit des paroles très agréables et lui fit beaucoup de compliments et lui embrassa la tête.

Alors l’eunuque se laissa convaincre et le lâcha ; mais, au lieu de retourner chez sa maîtresse devant laquelle il n’osait plus se présenter, il fit demi-tour