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histoire du roi omar al-némân
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Sur ces entrefaites, Daoul’makân revint de son évanouissement ; et il vit, au-dessus de sa tête, la lune au fond du ciel ; et en son âme se leva la brise enchanteresse des évocations lointaines ; et en son cœur chanta la voix d’innombrables oiseaux et la modulation des flûtes invisibles de l’esprit ; et il fut pris de l’irrésistible désir d’exhaler en chants les intimes postulations qui le faisaient comme s’envoler. Et il dit au chauffeur : « Écoute ! » Mais le chauffeur lui demanda : « Que vas-tu faire, mon enfant ? » Il dit : « Réciter quelques vers admirables qui me calmeraient le cœur ! » Le chauffeur dit : « Ne sais-tu donc point ce qui est arrivé, et que ce n’est qu’en usant de bonnes manières envers l’eunuque que j’ai réussi à nous sauver d’une perte certaine ? » Et Daoul’makân demanda : « Que me dis-tu là, et quel eunuque ? » Le chauffeur répondit : « Ô mon maître, l’eunuque de l’épouse du chambellan est venu ici, avec une mine de travers, pendant que tu étais évanoui ; et il brandissait un grand bâton en bois d’amandier ; et il se mit à dévisager tous les gens endormis ; et, comme il ne trouvait que moi de réveillé, il me demanda, d’un ton courroucé, si c’était moi qui avais élevé la voix. Mais je lui répondis : « Ah, non ! pas du tout. C’est tout bonnement un nomade qui passait par le chemin ! », Et l’eunuque n’eut pas l’air de me croire tout à fait, car, avant de s’en aller, il me dit : « Si par hasard tu entendais la voix, tu saisirais l’homme pour me le livrer, afin que je puisse le conduire chez ma maîtresse ! Et je t’en rends responsable ! » Tu vois donc, ô mon maître, que c’est à grand’peine que j’ai pu détourner l’attention de ce noir soupçonneux. »