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les mille nuits et une nuit

che de l’homme à la voix. Mais il eut beau regarder de tous côtés et marcher dans toutes les directions, il ne trouva d’autre homme réveillé que le vieux chauffeur du hammam, car Daoul’makân gisait évanoui. Et, d’ailleurs, le bon chauffeur, à la vue de l’eunuque qui, à la clarté de la lune, paraissait de fort méchante humeur, eut grand peur que Daoul’makân eût troublé le sommeil de l’épouse du chambellan, et se tint coi. Mais déjà l’eunuque l’avait vu ; et il lui dit : « C’est bien toi qui viens de chanter ces vers que ma maîtresse a entendus ? » Alors le chauffeur fut complètement convaincu que l’épouse du chambellan avait été dérangée, et s’écria : « Oh, non ! ce n’est pas moi ! » L’eunuque dit : « Mais qui donc alors ? Indique-le-moi, car certainement tu as dû l’entendre et le voir, du moment que tu ne dormais pas. » Et le bon chauffeur, de plus en plus effrayé pour Daoul’makân, dit : « Mais non, je ne le connais pas et je n’ai rien entendu. » L’eunuque dit : « Par Allah ! tu mens avec impudence, et tu ne me feras pas croire, du moment que tu es réveillé et assis ici même, que tu n’aies rien entendu ! » Alors le chauffeur dit : « Je vais te dire la vérité ! Celui qui chantait ces vers est un nomade qui vient de passer par là monté sur un chameau. Et c’est lui qui m’a réveillé avec sa maudite voix ! Et puisse Allah le confondre ! » Alors l’eunuque se mit à hocher la tête d’un air guère convaincu et retourna, en maugréant, dire à sa maîtresse : « C’est un bonhomme de nomade qui est déjà loin sur son chameau ! » Et Nôzhatou, désolée de ce contre-temps, regarda l’eunuque et ne dit plus rien.