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les mille nuits et une nuit

arrosé par des eaux courantes et rafraîchi par une brise enivrée de s’être arrêtée sur les citronniers fleuris. Et il me dit : « Ô Mosslim, que ne ferait-on pas, dans la vie, pour une telle fin ? »

« Et il est parvenu jusqu’à moi qu’un homme, sous le règne d’Omar ibn-Abd El-Aziz, dont le métier était de traire les brebis, ayant été voir un berger de ses amis, vit au milieu du troupeau deux loups qu’il crut être des chiens, et il fut grandement effrayé de leur aspect sauvage, et il dit au berger : « Que fais-tu là de ces terribles chiens ? » Et le berger lui dit : « Ô laitier, ce ne sont point des chiens, mais des loups apprivoisés. Et ils ne font pas de mal au troupeau, car je suis la tête qui dirige. Et quand la tête est saine, le corps est sain. »

« Et un jour le khalifat Omar ibn-Abd El-Aziz, du haut d’une chaire construite de boue desséchée, fit à son peuple assemblé un prône qui se réduisait à trois paroles seulement. Et il conclut par ces mots : « Abd El-Malek est mort, et morts aussi ses prédécesseurs et ses successeurs. Et moi aussi, Omar, comme eux tous, je mourrai ! » Alors Mosslim lui dit : « Ô émir des Croyants, cette chaire n’est point digne du khalifat, et elle n’a même pas une chaîne de rampe. Laisse-nous au moins y mettre une chaîne de rampe ! » Mais le khalifat lui dit d’une voix calme : « Ô Mosslim, voudrais-tu donc qu’Omar, au jour du jugement, portât au cou un morceau de cette chaîne ? »

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement.