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les mille nuits et une nuit

quence, la rhétorique, l’arithmétique, le syllogisme pur ; et je connais les sciences spirituelles et divines ; et j’ai retenu tout ce que j’ai appris ! Et maintenant donne moi le calam et la feuille de papier pour que j’écrive la lettre, si tu veux ! et je t’écrirai toute la lettre en vers bien rythmés, pour que, durant toute la route de Damas à Baghdad, tu puisses éprouver du plaisir à la lire et la relire, et te dispenser d’emporter avec toi des livres de voyage ; car elle te sera une douceur dans la solitude et un ami discret dans les loisirs ! »

Alors le pauvre marchand, complètement ahuri, s’exclama : « Ya Allah ! ya Allah ! heureuse la demeure qui te servira de gîte ! Et combien heureux celui qui habitera avec toi ! » Et il lui apporta respectueusement l’écritoire et les accessoires. Et Nôzhatou prit le calam, le trempa dans le tampon imbibé d’encre, l’essaya d abord sur son ongle, et écrivit ces vers :

« Cette écriture est de la main de celle aux pensées égales en tumulte aux vagues plaintives ;

» Celle dont l’insomnie a brûlé les paupières, et les veilles usé la beauté ;

» Celle qui, dans sa douleur, ne différencie plus le jour d’avec la nuit et se tord, lamentable, sur la couche solitaire ;

» Et qui n’a pour confidents que les astres silencieux dans la solitude fatale des nuits !

» Voici ma plainte en vers cadencés, à rime égale, que j’ai tissés en mémoire de tes yeux, ô toi, de mes doigts naturels.

» Des délices de la vie je n’ai senti nulle corde vibrer en mon âme,