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les mille nuits et une nuit

créments des bestiaux ! » Alors le marchand lui dit : « Eh bien ! pour en finir, je t’en offre, entends-moi bien, la somme de cinquante mille dinars d’or. » Mais cette brute entêtée répondit : « Ah, non ! Qu’Allah nous assiste ! cela ne fait pas l’affaire ! » Alors le marchand dit : « Soixante-dix mille dinars ! » Mais le Bédouin dit : « Qu’Allah nous assiste ! cela ne couvre pas même pas le capital que j’ai dépensé à la nourrir et à lui acheter des galettes d’orge ! car, sache-le bien, ô marchand, j’ai dépensé pour elle, rien qu’en galettes d’orge, quatre-vingt-dix mille dinars d’or ! » Alors le marchand, ahuri par la folie de cette brute, lui dit : « Mais, ô Bédouin, toi et tes parents et tous ceux de ta tribu, pendant toute votre vie, vous n’avez certainement pas mangé pour seulement cent dinars d’orge ! Mais, enfin, je vais te faire ma dernière offre et te dire ma dernière parole, et si tu refuses, j’irai de ce pas trouver le prince Scharkân, wali de Damas, et lui rapporter les mauvais traitements subis par cette jeune esclave que tu as certainement volée, ô brigand pillard ! » À ces paroles, le Bédouin dit : « Soit ! propose un peu cette somme, voyons ! » Et le marchand dit : « Cent mille dinars ! » Alors le Bédouin dit : « Je te cède l’esclave à ce prix, car j’ai besoin d’aller au souk acheter du sel. » Alors le marchand ne put s’empêcher de rire ; et il prit le Bédouin et la jeune esclave et les conduisit chez lui, et paya intégralement au Bédouin la somme convenue, après l’avoir fait peser soigneusement, dinar par dinar, par le peseur public. Alors le Bédouin sortit et remonta sur son chameau et prit le chemin de Jérusalem en se disant : « Si la