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histoire du roi omar al-némân…
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éloquence. Et je pense que, de plus, elle doit savoir lire et écrire ; certainement. C’est là l’effet d’une bénédiction bien rare d’Allah sur elle ! Et dire que ce Bédouin ne sait pas l’estimer à sa valeur ! » Puis, il se tourna vers le Bédouin et lui dit : « Je t’en offre deux cents dinars d’or, outre les arrhes et les droits de vente qui reviennent au Trésor et que je prends sur moi de payer. » Mais le Bédouin, furieux, s’écria : « Oh ! marchand, allons-nous en ! Je ne vends pas ! Car je ne céderais pas pour deux cents dinars même le vieux morceau de sac dont elle a la tête couverte ! C’est fini ! je ne veux pas la vendre, et je veux la garder avec moi et la ramener au désert pour lui faire paître mes chameaux et moudre mes grains ! » Puis il cria à la jeune fille : « Viens ici, ô pourrie ! Nous partons ! » Et comme le marchand ne bougeait pas, le Bédouin se tourna vers lui et lui cria : « Par mon bonnet ! je ne vends plus rien ! Tourne ton dos et va-t’en, ou sinon tu entendras de moi des choses qui ne t’agréeront pas ! »

Alors le marchand pensa à part lui : « Il n’y a plus de doute, ce Bédouin qui jure par son bonnet est un fou extraordinaire ! Je saurai tout de même lui faire lâcher prise, car cette jeune fille vaut tout un trésor de pierreries ; et si j’en avais le prix sur moi je le donnerais tout de suite à cette brute, pour en finir. » Puis il dit tranquillement au Bédouin en le tenant persuasivement par le manteau : « Ô cheikh des Bédouins, ne t’impatiente pas, de grâce ! Tu n’as pas, je le vois, l’habitude des ventes et des achats. Il faut beaucoup de patience et de savoir-faire dans ces questions. Sois tranquille, et, moi, je te donnerai,