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histoire du roi omar al-némân…
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Nahia ! » car c’était là le nom que le Bédouin avait cru bon de donner à son esclave. Mais, à ce nom nouveau pour elle, la pauvre adolescente se mit à pleurer et ne répondit pas. Alors le Bédouin dit au marchand d’esclaves : « Tiens, la voici, là derrière. Je te permets de t’en approcher et de la bien examiner, mais sans l’effaroucher, et parle lui gentiment comme j’ai l’habitude de le faire moi-même. » Et le marchand passa derrière la cloison et s’avança vers l’adolescente et lui dit : « La paix sur toi, ô jeune fille ! » Et Nôzhatou répondit, d’une voix douce comme le sucre et avec la prononciation la plus exquise, en langue arabe : « Et sur toi la paix et les bénédictions d’Allah ! » À cet accent, le marchand fut charmé extrêmement ; et il regarda attentivement la jeune esclave, qui avait le visage recouvert du voile grossier, et se dit en lui-même : « Allah ! qu’elle est gracieuse et quelle pureté de langage ! » Et elle aussi regarda le marchand et pensa : « Ce vieillard a une figure très douce et un aspect vénérable et fort engageant. Fasse Allah que je devienne son esclave pour échapper à ce grossier Bédouin aux mœurs féroces et à l’aspect repoussant ! Aussi me faut-il répondre avec intelligence et faire ressortir mes bonnes manières et ma façon de parler gentiment, car ce marchand ne vient ici que pour entendre mon parler. » Et comme le marchand l’interrogeait en lui disant : « Comment te portes-tu, ô jeune fille ? » elle regarda modestement par terre et, doucement, répondit : « Ô vieillard vénérable, tu m’interroges sur mon état, et mon état ne peut être souhaité au pire de tes ennemis ! Mais toute personne porte sa destinée