Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 3, trad Mardrus, 1900.djvu/115

Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire du roi omar al-némân…
103

Dans ce cœur consumé des flammes liquides de l’amour qui me noient dans leur torrent.

Ô nuit, tu le sais ! Dans le calme de tes heures, ô messagère, va dire à celui que tu connais l’intensité de ma souffrance et témoigne que jamais tu ne m’as vue fermer l’œil dans tes bras. »

Et tandis que la jeune Nôzhatou se dirigeait ainsi vaguement à travers les rues, elle vit venir à elle un chef bédouin, accompagné de cinq de ses Bédouins, qui la regarda longuement et ressentit aussitôt un violent désir de posséder la belle fille à la tête couverte du vieux morceau de manteau, et dont les charmes ressortaient encore mieux sous cette étoffe grossière en loques. Et il s’avança hardiment de son côté et attendit qu’elle fût arrivée à une ruelle solitaire et fort étroite, et il s’arrêta devant elle et lui dit : «  Ô jeune fille, es-tu libre ou esclave ? » À ces paroles du Bédouin, la jeune Nôzhatou resta immobile, puis elle dit : « De grâce, ô passant, ne me pose point de questions qui avivent mes peines et mon malheur ! » Il lui dit : « Ô jeune fille, si je te fais cette question, c’est que j’avais six filles ; j’en ai perdu déjà cinq et il ne me reste plus que la sixième qui vit seule tristement dans ma maison. Et je voudrais bien trouver pour ma fillette une compagne qui lui tiendrait compagnie et lui ferait passer le temps agréablement. Et je désirerais beaucoup que tu fusses libre pour te demander d’accepter l’hospitalité de ma maison et devenir ma fille adoptive et être de ma famille, pour faire oublier à ma fillette le deuil qu’elle garde depuis la mort de ses sœurs. »