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les mille nuits et une nuit

« Il leva sa tente et s’en alla ; très loin il s’en alla fuir mes yeux qui l’adoraient.

Il fuit mes yeux qui l’adoraient, alors qu’il faisait frémir toutes mes entrailles.

Le beau s’est au loin en allé ! Ô ma vie ! mais mon désir est là et ne s’est point au loin en allé !

Hélas ! hélas ! te verrai-je encore, ô beau ? Alors quels reproches longs et détaillés ne te ferai-je pas ? »

Lorsque Daoul’makân eût fini ces strophes, il pleura. Alors le bon chauffeur lui dit : « Ô mon enfant, sois donc raisonnable ! C’est à grand’peine que nous avons fini par te faire regagner la santé, et tu vas maintenant retomber malade de toutes ces larmes que tu verses ! Calme-toi, de grâce, et ne pleure plus, car ma peine est grande et j’ai bien peur pour toi d’une rechute ! » Mais Daoul’makân ne put se retenir encore et, tout en pleurant au souvenir de sa sœur Nôzhatou et de son père, il récita ces vers admirables :

« Jouis de la terre et de la vie, car, si la terre reste, ta vie ne reste pas.

Aime la vie et jouis de la vie et, pour cela, pense que la mort est inévitable.

Jouis donc de la vie ! Le bonheur n’a qu’un temps, hâte-toi ! Et songe que tout le reste n’est rien.

Car tout le reste n’est rien ; car, en dehors de l’amour de la vie, tu ne recueilleras que vacuité et inanité, sur la terre !

Car le monde doit être comme le logis du cavalier