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les mille nuits et une nuit

louèrent un chameau et dirent au conducteur : «  Ô chamelier, tu vas prendre ce malade sur ton chameau et le transporter à Damas pour le mettre à l’hôpital, où il pourra guérir. » Et le chamelier répondit : « Sur ma tête, ô seigneurs ! » Mais, en lui-même, le perfide se dit : « Comment pourrais-je transporter de Jérusalem à Damas un homme qui est sur le point de mourir ! » Puis il fit s’accroupir son chameau, y plaça le malade, et, couvert de bénédictions par les gens du souk, il parla à son chameau en le tirant par le licou, et le chameau se releva et se mit en marche. Mais à peine avait-il traversé quelques rues, qu’il s’arrêta ; et, comme il était arrivé devant la porte d’un hammam, il prit Daoul’makân, qui n’avait plus sa connaissance, le déposa sur le tas de bois qui servait à chauffer le hammam, et s’en alla en toute hâte.

Aussi lorsque le chauffeur du hammam vint à l’aube pour vaquer à son travail, il trouva devant la porte ce corps étendu sur le dos, comme inanimé, et il se dit en lui-même : « Qui a bien pu ainsi jeter ce cadavre devant le hammam, au lieu de l’enterrer ? » Et, comme il se disposait à pousser le cadavre loin de la porte, Daoul’makân fit un mouvement. Alors le chauffeur s’écria : « Ce n’est point là un mort, mais c’est sûrement un mangeur de haschich, qui est venu échouer cette nuit sur mon tas de bois ! Ho ! ivrogne, mangeur de haschich ! » Puis, comme il se penchait pour lui crier la chose à la figure, il vit que c’était un tout jeune homme qui n’avait pas encore de poil aux joues et dont toute la physionomie dénotait une grande distinction et une grande beauté,