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les mille nuits et une nuit

j’entrai et je vis que toute chose était identiquement dans l’ordre où je l’avais mise.

« La première chose que je fis fut de laver aussitôt le parquet pour faire disparaître toute trace du sang de la jeune femme tuée par sa jalouse amie ; et alors seulement, tranquillisé, je me dirigeai vers le lit pour m’y reposer des fatigues du voyage. Et comme je soulevais le coussin pour l’arranger, je vis, sous le coussin, un collier d’or avec, d’espace en espace, trois rangs de perles nobles parfaites. C’était justement le collier de la jeune femme, qui avait été mis sous l’oreiller la nuit de nos ébats. À ce souvenir, je me mis à verser des larmes de regret et à déplorer la mort de cette adolescente. Puis je cachai soigneusement le collier dans une doublure de mon vêtement.

« Au bout de trois jours de repos dans ma maison, je songeai à aller au souk pour essayer de trouver une occupation et pour voir mes connaissances. Arrivé au souk, il était écrit par l’ordre du Destin que je devais être tenté par le Cheïtane et succomber à la tentation : car toute destinée ne peut que s’accomplir. Et je fus, en effet, tenté de me débarrasser du collier d’or et de perles en le vendant. Je le tirai donc de la doublure de mon vêtement et le montrai au plus habile courtier du souk. Le courtier m’invita à m’asseoir dans sa boutique, et, lui-même, sitôt le souk bien en train, prit le collier, me pria d’attendre son retour, et s’en alla le soumettre aux offres des marchands et des clients. Et, au bout d’une heure, il revint et me dit : « Je croyais d’abord que ce collier était en or véritable et en perles vraies, et qu’il