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les mille nuits et une nuit

sur une natte et appuya son dos contre un mur. Il resta de la sorte, sans connaissance, et le cœur battant d’une façon désordonnée, jusqu’au matin, et sans avoir eu la force de faire un mouvement pour demander quelque chose. Le matin, les habitants du village vinrent à la mosquée pour la prière, et le virent étendu sans vie ; comprenant qu’il était affamé et altéré, ils lui portèrent un pot de miel et deux pains et le firent manger et boire ; puis ils lui donnèrent, pour s’habiller, une chemise sans manches, il est vrai, et toute rapiécée et pleine de poux. Puis ils lui demandèrent : « Qui es-tu et d’où viens-tu, ô étranger ? » Et Ghanem ouvrit les yeux et regarda, mais ne put articuler un mot ni faire une réponse ; et il se mit seulement à pleurer. Alors ils restèrent autour de lui pendant un certain temps et finirent par s’en aller chacun à son travail.

Ghanem, par la force de ses chagrins et les privations, tomba malade et continua à rester couché sur la vieille natte de la mosquée pendant encore un mois ; et il devint faible de corps et bien changé quant au teint ; et son corps fut dévoré par les puces et les punaises ; et il fut réduit à un état si misérable que les fidèles de la mosquée se concertèrent un jour entre eux pour le porter à l’hôpital de Baghdad, vu qu’il n’y avait guère d’hôpital que là. Ils allèrent donc chercher un chamelier avec son chameau et lui dirent : « Tu vas mettre ce jeune homme malade sur le dos de ton chameau et tu le porteras à Baghdad et tu le déposeras à la porte de l’hôpital ; de cette façon, le changement d’air et les soins à l’hôpital le guériront certainement. Quant à toi, ô chamelier,