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les mille nuits et une nuit

affolé, je sautai sur la mule et je vins en toute hâte vous mettre au courant de la situation. » Lorsque la femme et les filles eurent entendu mes paroles, elles se prirent à lancer de grands cris, à déchirer leurs habits et à se frapper le visage et la tête ; et tous les voisins accoururent et les entourèrent. Puis la femme de mon maître, en signe de grand deuil, comme cela se pratique d’ordinaire à la mort inattendue du chef de la maison, se mit à bouleverser la maison, à détruire et casser les étagères et les meubles, à les lancer par les fenêtres, à briser tout ce qui pouvait être brisé, et à enlever les portes et les fenêtres. Puis elle fit peindre tous les murs extérieurs en bleu et y fit coller de la boue par plaques Et elle me cria : « Misérable Kâfour, voilà que tu restes immobile ! viens donc m’aider à casser ces armoires, à détruire tous ces ustensiles et à mettre en morceaux toutes ces porcelaines ! » Alors, moi, sans avoir besoin d’un second appel, je m’élançai de tout cœur, et me mis à tout briser et à tout abîmer, les armoires, les meubles précieux, les porcelaines ; je brûlai les tapis, les lits, les rideaux, les étoffes précieuses et les coussins ; cela fait, je m’en pris à la maison elle-même et j’attaquai les plafonds et les murs, et je détruisis le tout de fond en comble. Et pendant tout ce temps je ne cessais de me lamenter et de clamer : « Ô mon pauvre maître ! ô mon malheureux maître ! »

Après cela, ma maîtresse et ses filles enlevèrent leurs voiles et, le visage découvert et les cheveux dénoués, sortirent dans la rue et me dirent : « Ô Kâfour, marche devant nous pour nous montrer le