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elle vint s’asseoir en face de moi dans la boutique. Alors, je dis à Badreddine : « Cette pièce d’étoffe, quel en est pour toi le prix coûtant ? » Il me répondit : « Mille et cent drachmes ! » Alors je lui dis : « Soit ! et moi je te donne, en plus, cent drachmes de bénéfice. Donne-moi donc un papier pour que je puisse t’en donner le prix par écrit. » Et je pris de lui la pièce de soie tissée d’or ; et, en échange, je lui en donnai le prix par écrit ; puis je remis la pièce d’étoffe à la dame et lui dis : « Prends-la ! et maintenant tu peux aller sans t’inquiéter davantage du prix, que tu me paieras quand tu voudras. Pour cela tu n’auras qu’à venir me trouver un de ces jours dans le souk, où je suis toujours assis dans une boutique ou une autre ! Et même, si tu veux bien me faire l’honneur de l’accepter de moi comme un hommage, elle t’appartient ! » Alors elle me répondit : « Qu’Allah te le rende en toutes sortes de faveurs ! Puisses-tu posséder toutes les richesses qui sont en ma possession, et cela en devenant mon maître et la couronne de ma tête ! Ah ! puisse Allah daigner exaucer mon souhait ! » Alors je lui répondis : « Ô ma maîtresse, accepte donc cette pièce de soie ! Et d’ailleurs elle ne sera pas la seule ! Mais, je t’en prie, accorde-moi cette faveur d’admirer ton visage qui m’est caché ! » Alors elle releva l’étoffe légère qui lui voilait le bas de la figure et qui ne laissait apercevoir que les yeux.

« Lorsque je vis son visage, ce seul coup d’œil suffit à me jeter dans un trouble extrême, à river l’amour en mon cœur et à m’enlever la raison. Mais elle se hâta d’abaisser son voile, prit l’étoffe et me dit :