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histoire de ghanem et de fetnah
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« Ô Kâfour, ne vois-tu pis que la porte de la turbeh, qui nous avions laissée ouverte le soir, est maintenant fermée et bien cadenassée de l’intérieur ? » Alors le troisième nègre, qui s’appelait Bakhita, leur dit : « Quel petit esprit vous avez ! Ne savez-vous donc pas que les propriétaires des champs sortent tous les jours de la ville et viennent ici, après avoir visité leurs plantations, pour s’y reposer ? Ils entrent et prennent soin de refermer la porte sur eux, le soir venu, de crainte d’être surpris par des nègres comme nous, qu’ils redoutent énormément ; car ils savent bien que nous les prenons pour les rôtir et nous régaler de leur chair de blancs. » Alors Kâfour et Saouâb dirent au nègre Bakhita : « En vérité, ô Bakhita, s’il y a quelqu’un parmi nous qui soit modique d’esprit, c’est bien toi ! » Mais Bakhita répondit : « Je vois bien que vous ne croirez à mes paroles que lorsque nous serons entrés dans la turbeh et que nous y aurons vu quelque personne. Et je vous annonce même d’avance que si, en ce moment, il y a quelqu’un dans la turbeh, ce quelqu’un, à la vue de notre lumière qui s’approchait, aura grimpé, terrifié, au plus haut du palmier. Et ce n’est que là que nous le trouverons ! »

À ces paroles du nègre Bakhita, l’effaré Ghanem se dit en lui-même : « Quel nègre plein de malice ! Qu’Allah confonde tous les Soudaniens pour ce qu’ils ont en eux de perfidie et de malice ! » Puis, de plus en plus terrifié, il dit : « Il n’y a de force et de puissance qu’en Allah le Très-Haut l’Omnipotent ! Qui va maintenant pouvoir me délivrer de cet abîme ? »