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les mille nuits et une nuit

avec le poisson qui est avec lui ! » Alors le cheikh Ibrahim se décida à ouvrir la porte, et le khalifat, déguisé toujours en pêcheur, put entrer librement, et commença à faire les saluts d’usage. Mais le cheikh Ibrahim l’interrompit par un éclat de rire et s’écria : « Bienvenu soit entre nous le larron, le voleur de ses partenaires ! Hardi ! viens nous montrer ce poisson fameux que tu as ! » Et le pêcheur enleva l’herbe fraîche et leur montra le poisson dans la corbeille ; et ils virent que le poisson était bien vivant et frétillait encore. Alors Douce-Amie s’écria : « Par Allah ! ô mes maîtres, que ce poisson est beau ! c’est dommage qu’il ne soit pas frit ! » Le cheikh Ibrahim s’écria : « Par Allah ! tu dis vrai ! » Et il se tourna vers le khalifat et lui dit : « Ô pêcheur, quel dommage que tu ne sois pas venu avec ce poisson une fois frit ! Prends-le donc et va vite nous le faire frire, et apporte-le-nous ensuite ! » Le khalifat répondit : « Sur ma tête tes ordres ! je vais le faire frire et je vous le rapporterai aussitôt. » Ils lui répondirent tous à la fois : « Oui ! dépêche-toi de le faire frire et de nous le rapporter ! »

Le khalifat se hâta de sortir et courut retrouver Giafar et lui dit : « Ô Giafar, ils demandent que le poisson soit frit ! » Il répondit : « Ô émir des Croyants, donne-le moi et je le ferai frire moi-même ! » Le khalifat dit : « Par la tombe de mes pères et de mes ancêtres ! nul autre que moi ne fera frire ce poisson ; et de ma propre main ! » Le khalifat alors alla à la hutte de roseaux qui servait d’habitation au gardien du jardin, cheikh Ibrahim ; il se mit à fureter partout et trouva tout ce qu’il fallait en