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qu’il resterait encore longtemps, et je pris l’argent et le plaçai à un placement de vingt pour cent comme il est d’usage dans notre pays, et ainsi le fis bien valoir pour mon compte. Et je dis en mon âme : « Par Allah ! lorsqu’il reviendra, je le prierai d’accepter mon invitation, et je le recevrai avec une grande largesse, car son argent m’a été d’un bien grand profit et voici que je deviens fort riche ! »

Une année s’écoula de la sorte, au bout de laquelle il vint ; et il était vêtu d’une robe bien plus somptueuse que les autres fois, et toujours monté sur son âne blanc de race.

Alors je le conjurai avec ferveur de venir avec moi à la maison et de vouloir bien être mon invité. Et il me répondit : « Je veux bien, mais à la condition que tu ne prélèves point les dépenses que tu vas faire sur l’argent qui m’appartient et qui est chez toi ! » Et il se mit à rire. Et moi aussi. Et je lui dis : « Oui, certes, et de grand cœur ! » Et je l’emmenai dans ma maison, et le priai de s’asseoir ; et je courus au souk acheter toutes sortes de provisions, de boissons et autres choses semblables et je mis le tout entre ses mains sur la nappe et je l’invitai à commencer en disant : « Au nom d’Allah ! » Alors il s’approcha des mets servis et avança sa main gauche et se mit à manger avec cette main gauche. Alors je fus grandement surpris et je ne sus que penser. Lorsque nous eûmes fini de manger, il se lava cette main gauche sans s’aider de sa main droite ; et je lui tendis la serviette pour qu’il s’essuyât ; puis nous nous assîmes pour causer.