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cet homme immobile, il pensa que c’était un voleur, celui peut-être qui lui avait volé son turban, au commencement de la soirée ; car le courtier chrétien était, en effet, nu-tête. Alors le chrétien se précipita contre l’homme et lui asséna sur la nuque un coup violent qui le fit rouler à terre. Puis il lança de hauts cris en appelant le gardien du souk. Et il tomba sur le bossu en le frappant à coups redoublés, dans l’excitation de l’ivresse, et s’apprêta même à l’étrangler en lui serrant le cou de ses deux mains. À ce moment, arriva le gardien du souk, et il vit le chrétien qui tenait sous lui renversé le musulman et le frappait et était sur le point de l’étrangler. Et le gardien s’écria : « Laisse cet homme, et lève-toi ! » Et le chrétien se leva.

Alors le gardien du souk s’approcha du bossu musulman, étendu par terre, l’examina et vit qu’il était mort. Il s’écria alors : « Oh ! a-t-on jamais vu ainsi un chrétien avoir l’audace de toucher à un musulman et de le tuer ! » Puis le gardien se saisit du chrétien, lui lia les bras derrière le dos et le conduisit à la maison du wali[1]. Et le chrétien se lamentait et disait : « Ô Messie ! ô Vierge ! Comment ai-je pu tuer cet homme ! Et comme il est mort vite, d’un seul coup de poing ! Passée l’ivresse, voici maintenant la réflexion ! »

Arrivés à la maison du wali, le chrétien et le bossu mort furent enfermés toute la nuit jusqu’à ce que le wali se fût réveillé, le matin. Et le wali interrogea le chrétien qui ne put nier les faits rapportés par le gardien du souk. Aussi le wali ne put que

  1. Wali : gouverneur d’une province au nom d’un sultan.