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les mille nuits et une nuit

avec, sous le bras, une belle pièce d’étoffe recouverte d’un foulard de soie, le propriétaire de la maison, qui lui dit : « Je t’apporte une pièce d’étoffe pour que tu m’en tailles des chemises. » Alors Bacbouk ne douta plus que le propriétaire ne fût envoyé par son épouse, et il lui dit : « Sur mon œil et sur ma tête ! ce soir même les chemises seront prêtes. » En effet, mon frère se mit à travailler avec tant d’activité, se privant même de toute nourriture, que le soir, à l’arrivée du propriétaire, les chemises, au nombre de vingt, étaient taillées et cousues et pliées dans le foulard de soie. Et le propriétaire lui demanda : « Combien dois-je te payer ? » Mais juste à ce moment, à la lucarne furtivement apparut la jeune femme qui lança une œillade à Bacbouk et lui fit signe avec les sourcils de ne point accepter de rémunération. Et mon frère ne voulut rien accepter du propriétaire, quoiqu’il fût en ce moment dans une très grande gêne et qu’une seule obole lui eût été d’un grand secours. Mais il s’estima fort heureux de travailler et d’obliger le mari pour l’amour et les beaux yeux de l’épouse.

Mais cela n’était que le commencement des tribulations de ce Bacbouk de folie. En effet, le lendemain, à l’aube, le propriétaire vint avec, sous le bras, une nouvelle pièce d’étoffe et dit à mon frère : « Voici ! chez moi on m’a dit qu’il fallait que j’eusse des caleçons neufs pour les porter en même temps que mes chemises neuves. Et je t’apporte une nouvelle pièce pour que tu m’en tailles des caleçons. Et qu’ils soient bien amples ! Et n’épargne point les plis ni l’étoffe ! » Mon frère répondit : « J’écoute et