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histoire du bossu… (le barbier)
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plaindre de dix individus qui habitaient non loin de la ville, et il ordonna au gouverneur-lieutenant de lui chercher ces dix individus. Et le destin voulut que, juste au moment où on leur faisait traverser le Tigre en barque, je fusse sur la rive du fleuve. Et je vis ces hommes dans la barque et je me dis en moi-même : « Sûr ! ces hommes se sont donné rendez-vous dans cette barque pour y passer toute la journée à s’amuser, à manger et à boire. Aussi il faut absolument que je sois leur invité et fasse partie du festin ! »

Je m’approchai alors de l’eau et, sans dire un mot, moi le Silencieux, je sautai dans la barque et me mêlai à tous ceux-là. Mais soudain je vis arriver les gardes du wali, qui se saisirent d’eux, leur mirent à chacun un carcan au cou et des chaînes aux mains, et finirent par se saisir aussi de moi et me mettre également un carcan au cou et des chaînes aux mains. Tout cela ! et je ne soufflai pas un mot et n’articulai pas une parole : ce vous est une preuve, mes seigneurs, de ma fermeté de caractère et de mon peu de loquacité. Je me laissai donc faire sans protester, et me vis conduit avec les dix individus jusqu’entre les mains de l’émir des Croyants, le khalifat Montasser Billah.

À notre vue, le khalifat appela son porte-glaive et lui dit : « Coupe immédiatement la tête à ces dix scélérats ! » Alors le porte-glaive nous rangea tous dans la cour, à la file, sous les yeux du khalifat, et, levant son glaive, il frappa la première tête et la fit sauter, puis la deuxième et la troisième et jusqu’à la dixième. Mais lorsqu’il arriva à moi, le nombre des