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la tendre histoire du prince jasmin…
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que voyant, ils se crurent obligés de recourir à la saignée. Et, lui ayant bandé le bras, ils appliquèrent la lancette. Mais il ne sortit pas une goutte de sang de la veine charmante. Alors ils retirèrent leur main de son traitement, et renoncèrent à l’espoir de la guérir. Et ils s’en allèrent désappointés et confus.

Et quelques jours se passèrent dans cette pénible situation, sans que personne pût comprendre ou expliquer le motif d’un tel changement.

Aussi, un jour que la belle Amande au cœur calciné était plus mélancolique que jamais, ses suivantes la conduisirent, pour la distraire, dans le jardin. Mais là, partout où elle promenait les yeux, elle ne voyait que la face de son bien-aimé : les roses lui offraient sa couleur et le jasmin l’odeur de ses vêtements ; le cyprès balancé, sa taille flexible, et le narcisse, ses yeux. Et, voyant ses cils dans les épines, elle les mettait sur son cœur.

Mais bientôt la belle verdure de ce jardin fit un peu reverdir son cœur fané ; et l’eau jaillissante qu’on lui fit boire diminua la sécheresse de son cerveau. Et les jeunes filles, ses suivantes, du même âge qu’elle, s’assirent en cercle autour de cette beauté, et commencèrent par lui chanter doucement un ghazal léger sur le mode musical mineur et le rythme ramel nonchalant.

Après quoi, la voyant plus accueillante, sa suivante la plus chérie se rapprocha d’elle, et lui dit : « Ô notre maîtresse Amande, sache que, depuis quelques jours, se trouve dans nos terres un adolescent joueur de flûte, venu du pays des nobles Hazara, dont la voix mélodieuse ramène l’oiseau envolé de