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les lucarnes… (la crème à l’huile…)
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a une esclave. Or, moi, j’ai demandé à Issa de me la céder ; mais il s’en est excusé. Je lui ai demandé alors de me la vendre ; mais il s’y est refusé. Eh bien ! devant toi, ô Yâcoub, qui es le kâdi suprême, je jure par le nom d’Allah Très-Haut l’Exalté que si Issa persiste à ne pas vouloir me céder son esclave d’une manière ou de l’autre, je le fais tuer à l’instant, sans recours. »

Alors moi, tout à fait rassuré sur mon propre compte, je me tournai d’un air sévère vers Issa, et lui dis : « Quelles qualités ou quelle vertu extraordinaire Allah a-t-il donc départies à cette fille, ton esclave, pour que tu ne veuilles pas la céder à l’émir des Croyants ? Ne vois-tu donc pas que, par ton refus, tu te mets dans la situation la plus humiliante, et que tu te dégrades et te ravales ? » Et Issa, sans se montrer ému de mes remontrances, me dit : « Ô notre seigneur le kâdi, la précipitation dans les jugements est haïssable. Avant de me faire des observations, tu aurais dû t’enquérir du motif qui m’a dicté ma conduite. » Et je lui dis : « Soit ! Mais peut-il y avoir au monde un motif valable pour un tel refus ? » Il me répondit : « Oui certes ! Un serment ne peut, en aucun cas, être déclaré nul, s’il a été fait de plein gré et en pleine lucidité d’esprit. Or j’ai, comme motif d’empêchement, la force d’un serment solennel. Car j’ai juré, par le triple divorce et avec la promesse d’affranchir tout ce que j’ai sous ma main d’esclaves des deux sexes et sous l’engagement de distribuer tous mes biens et richesses, aux pauvres et aux mosquées, j’ai juré, dis-je, à la jeune fille en question de ne jamais la vendre ni la donner…