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les mille nuits et une nuit

à l’instant. » Et le poète, dans l’émotion où il était de par la vue des deux danseuses, ne comprit même pas la portée des paroles du khalifat ; et l’eût-il comprise qu’il se fût peu soucié de demander de l’argent ou des richesses. Car, à ce moment, une seule idée dominait son esprit : la beauté des deux danseuses, et le désir de les posséder à lui tout seul et de s’enivrer de leurs yeux et de leur influence.

Aussi, à la proposition généreuse du khalifat, il répondit : « Qu’Allah prolonge les jours de l’émir des Croyants ! Mais ton esclave est déjà comblé par les bienfaits du Rétributeur. Il est riche, il ne manque de rien, il est comme un émir ! Ses yeux sont contents, son esprit est content, son cœur est content. Et d’ailleurs, dans la position où je suis maintenant ici, en présence du soleil, et entre ces deux lunes, si j’étais dans la plus noire des misères et dans l’absolu dénûment, je me considérerais comme l’homme le plus riche de l’empire. »

Et le khalifat Abd El-Malek fut extrêmement satisfait de la réponse et, voyant que les yeux du poète exprimaient véhémentement ce que sa langue ne disait pas, il se leva et lui dit : « Ô Ibn Abou-Atik, ces deux jeunes filles que voici, et qu’aujourd’hui seulement je reçus en cadeau du roi des Roums, sont ta propriété légale et ton champ. Et tu peux entrer dans ton champ à ton gré. » Et il sortit.

Et le poète prit les danseuses et les emmena dans sa maison.

Mais lorsque Abdallah fut retourné au palais, le khalifat lui dit : « Ô Abdallah, la description que tu t’es plu à me faire au sujet du dénûment et de la mi-