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histoire de la rose marine…
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Et donc le prince Nourgihân, ce soleil du quatrième ciel, monta sur son coursier agile comme le vent, à l’heure où la lune, voyageuse montée sur le noir palefroi de la nuit, eut détourné sa bride de l’Orient.

Et il voyagea pendant des jours et des mois, traversant les plaines et les déserts, et les solitudes où il n’y avait d’autre présence que celle d’Allah et de l’herbe sauvage. Et il finit par arriver dans une forêt sans limites, plus noire que l’esprit de l’ignorant, et tellement obscure qu’on ne pouvait y distinguer la nuit du jour, ni voir la différence entre le blanc et le noir. Et Nourgihân, dont le brillant visage éclairait seul les ténèbres, s’avançait d’un cœur d’acier dans cette forêt dont les arbres portaient, par endroits, en guise de fruits, des têtes d’êtres animés qui se mettaient à ricaner et à rire et tombaient par terre, tandis que, sur d’autres branches, des fruits, qui ressemblaient à des pots de terre, s’ouvraient en craquant, et laissaient s’échapper de leur cavité des oiseaux aux yeux d’or.

Et voici que soudain il se trouva face à face avec un vieux genni, semblable à une montagne, assis sur le tronc d’un énorme caroubier. Et il l’aborda par le salam, et fit sortir de la boîte de rubis de sa bouche quelques paroles qui s’unirent à l’esprit du genni comme le sucre au lait. Et le genni, ému par la beauté de cette jeune plante du jardin de l’élévation, l’invita à se reposer auprès de lui. Et Nourgihân descendit de cheval, et prit dans son sac un gâteau au beurre fondu et à la fleur de farine, et l’offrit, en témoignage d’amitié, au genni, qui l’accepta et n’en