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les mille nuits et une nuit

trop vieux. T’avait-il donc dit, lui, qu’il est né d’hier ?

Lorsque ces vers se furent répandus dans les tribus, on conseilla de tous côtés à Toumâdir d’accepter pour mari ce Doreïd à la main généreuse, à la verve inégalable. Mais elle ne revint pas sur sa décision.

Or, ce fut sur ces entrefaites que, dans une rencontre sanglante avec la tribu ennemie des Mourrides, un frère de Toumâdir, le valeureux cavalier Moawiah, périt de la main de Haschem, chef des Mourrides et père de la belle Asma qui avait été autrefois offensée par ce même Moawiah. Et c’est précisément cette mort de son frère que Toumâdir déplora dans le chant funèbre que voici, dont l’air se psalmodiait sur le rythme du premier grave-léger et sur la tonique de la corde du doigt annulaire :

Pleurez, mes yeux, versez des larmes intarissables. Hélas ! celle qui verse ces larmes, pleure un frère qu’elle a perdu.

Désormais, entre elle et lui, est le voile qu’on ne soulève plus, la terre récente de la tombe.

Ô mon frère, tu es parti pour cette réserve d’eau dont tous goûteront un jour l’amertume. Tu y es allé pur, disant : « Mieux vaut mourir : la vie n’est qu’un rayon de frelons sur la pointe d’une lance. »

Mon cœur se souvient, ô fils de mon père et de ma mère, et je m’affaisse comme l’herbe de l’été. Je me renferme dans la consternation.

Il est mort, celui qui était le bouclier de nos tribus