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les mille nuits et une nuit

action, ô mon enfant, est à la portée du premier riche venu. Et il n’est point nécessaire d’avoir une vertu bien grande pour donner le surplus de ce que l’on possède. Mais il est une générosité qui est autrement parfumée et agréable au Maître des créatures, et c’est, ô mon enfant, la générosité de l’esprit. Car celui qui peut répandre les bienfaits de son esprit sur les êtres dénués de savoir, celui-là est le plus grand méritant. Et pour répandre les bienfaits de ce genre, il faut avoir un esprit hautement cultivé. Et pour avoir un esprit de cette marque, un seul moyen est entre nos mains, la lecture des écrits des gens hautement cultivés, et la méditation sur ces écrits. Donc, ô fils de mon ami Abderrahmân, cultive ton esprit, et sois généreux dans la voie de l’esprit. Et tel est mon conseil, ouassalam ! »

Et l’adolescent riche eût bien voulu demander au cheikh des explications complémentaires. Mais le cheikh n’avait plus rien à lui dire. Aussi se retira-t-il avec ce conseil, fermement résolu à le mettre en pratique, et, se laissant aller à son inspiration, il prit le chemin du souk des libraires. Et il assembla tous les marchands de livres, dont quelques-uns avaient des livres qui provenaient du palais des livres que les Roums chrétiens avaient brûlé lors de l’entrée d’Amrou ben El-Ass à El-Iskandaria. Et il leur commanda de transporter dans sa maison tous les livres de valeur qui étaient en leur possession. Et il les rétribua au delà même de leurs prétentions, sans marchandage ni hésitation. Mais il ne se contenta point de ces achats. Et il envoya des émissaires au Caire, à Damas, à Baghdad, en Perse, au Maghreb,