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QUELQUES SOTTISES ET THÉORIES
DU MAÎTRE DES DEVISES ET DES RIS


Il est raconté, ô Roi du temps, dans les annales des sages anciens et dans les livres des savants, et il nous est transmis par la tradition, qu’il y avait dans la ville du Caire, ce séjour du badinage et de l’esprit, un homme d’apparence stupide, qui cachait sous ses dehors de bouffon extravagant un fond sans égal de finesse, de sagacité, d’intelligence, et de sagesse, sans compter qu’il était certainement l’homme le plus amusant, le plus instruit et le plus spirituel de son temps. De son nom il s’appelait Goha, et de son métier il n’était rien du tout, absolument, bien qu’il exerçât par occurrence la charge de prédicateur dans les mosquées.

Or, un jour, ses amis lui dirent : « Ô Goha, n’as-tu pas honte de passer ta vie dans la fainéantise, et de n’user de tes mains aux dix doigts que pour les porter pleines à ta bouche ! Et ne penses-tu pas qu’il est grand temps que tu cesses ta vie de vagabondage et te conformes aux manières de tout le monde ? »