Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 15, trad Mardrus, 1904.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.
86
les mille nuits et une nuit

prince étranger venait essayer, dans le but d’être agréé par elle, d’expliquer ses fantasmagories.

Et bientôt entra dans la salle des audiences, précédée par l’odeur de ses boucles parfumées, l’adolescente princière aux manières charmantes, Mohra la bienheureuse, la cause de tant de vies tranchées, celle qu’on ne se lassait pas plus de regarder qu’un hydropique ne se lasse de boire l’eau de l’Euphrate, et pour qui des milliers d’âmes se sacrifiaient comme les papillons à la flamme. Et, d’un coup d’œil, elle reconnut en Diamant le jeune santon du jardin, l’adolescent à face de soleil, au corps charmant, dont la vue avait tant bouleversé son cœur. Et elle fut, de ce fait, à la limite de l’étonnement ; mais elle ne tarda pas à comprendre qu’elle avait été la dupe de ce santon, qui avait disparu du jour au lendemain, sans laisser de ses traces. Et elle devint furieuse en son âme, et se dit : « Cette fois-ci il ne m’échappera pas. » Et, s’étant assise sur le lit du trône, à côté de son père, elle regarda le jeune homme en face, avec des yeux ténébreux, et lui dit : « La question, nul ne l’ignore ! Réponds ! Quels sont les rapports entre Pomme de Pin et Cyprès ? » Et Diamant répondit : « La réponse, ô princesse, nul ne l’ignore ! D’ailleurs, la voici : les rapports entre Pomme de Pin et Cyprès sont de mauvaise qualité. Car Pomme de Pin, qui est l’épouse de Cyprès, roi de la ville de Wâkâk, a trouvé la juste rétribution de ce qu’elle a fait. Et il y a des nègres dans son affaire ! »

À ces paroles de Diamant, la princesse Mohra devint bien jaune de teint, et la crainte s’empara de son cœur. Toutefois, surmontant son inquiétude,