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les mille nuits et une nuit

Et quand, à bout de questions, de menaces et de bruits de tempête, la mère eut senti sa voix s’enrouer et sa gorge refuser les sons, elle laissa là sa fille et sortit en tumulte donner l’ordre de faire des recherches dans tout le palais, pour retrouver le perpétrateur du dégât. Et on ne tarda pas à me trouver, au bout de fort peu de temps, les recherches ayant été faites en suivant ma piste à mon odeur d’être humain, perceptible à leur odorat.

« Et donc, ils se saisirent de moi et me firent sortir du harem et du palais ; et, ayant réuni une énorme quantité de bois, ils me déshabillèrent et se disposèrent à me jeter dans le tas. Et, en ce moment précis, les deux vieilles de la citerne s’approchèrent de moi et dirent aux gardes : « Nous allons jeter sur le corps de cet être humain malfaisant cette jarre d’huile à brûler, afin que le feu lèche mieux ses membres et nous délivre plus vite de sa vue de malheur. » Et les gardes n’y trouvèrent aucun inconvénient, bien au contraire ! Alors les deux vieilles me versèrent sur le corps une jarre pleine de l’huile salomonique dont elles m’avaient expliqué la vertu, et m’en frottèrent tous les membres, sans omettre une parcelle de mon individu. Après quoi les gardes me placèrent au milieu de l’immense bûcher, auquel ils mirent le feu. Et, en peu d’instants, je fus entouré par les flammes furieuses. Mais les langues rouges qui me léchaient m’étaient plus douces et plus fraîches que la caresse de l’eau dans les jardins d’Irem. Et je restai depuis le matin jusqu’au soir, au milieu de cette fournaise, aussi intact qu’au jour de ma sortie du ventre de ma mère.