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les mille nuits et une nuit

un mot, tout ce qui était à ravir fut ravi, et ce qui était à réduire fut réduit ; et nous ne cessâmes nos travaux qu’avec l’apparition du matin, pour réciter la prière et aller au bain.

« Et nous passâmes un mois de la sorte, sans que personne se doutât de ma présence au palais et de la vie extraordinaire que nous menions, toute remplie de copulations sans paroles et d’autres choses semblables. Et ma joie eût été complète, sans la grande appréhension que ne cessait de ressentir mon amie de voir notre secret découvert par son père et sa mère, appréhension si vive, en vérité, qu’elle arrachait le cœur du cœur.

« Or, ce jour tant redouté ne manqua pas d’arriver. Car, un matin, le père de l’adolescente, en se réveillant, alla dans la chambre de sa fille, et remarqua que sa beauté lunaire et sa fraîcheur avaient décru, et qu’une sorte de fatigue profonde altérait ses traits et les voilait de pâleur. Et, à l’instant, il appela la mère et lui dit : « Pourquoi la couleur du visage de notre fille est-elle changée ? Ne vois-tu pas que le vent funeste de l’automne a flétri les roses de ses joues ? » Et la mère regarda longtemps, en silence et d’un air soupçonneux, sa fille qui dormait paisiblement, et, sans prononcer un mot, elle s’approcha d’elle, releva d’un mouvement brusque la chemise et, avec les deux doigts de la main gauche, elle sépara les deux moitiés charmantes du bas de sa fille. Et, avec son œil, elle vit ce qu’elle vit, à savoir la preuve péremptoire de la virginité volatilisée de ce lapin couleur de jasmin…