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histoire splendide du prince diamant
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puits à mon oreille une voix qui fit entendre ces mots : « La vie vaut mieux que la mort. Ô serviteur d’Allah, si tu nous retires de ce puits, nous te récompenserons. La vie vaut mieux que la mort ! »

« Alors moi, oubliant pour un instant ma soif, je rassemblai ce qui me restait de forces et, m’évertuant, je vins enfin à bout de tirer du puits mon seau avec son poids. Et je vis, cramponnés avec leurs doigts sur mon bonnet, deux très vieilles femmes aveugles, dont la taille était courbée comme l’arc, et si maigres qu’elles eussent passé dans le trou d’un passe-lacet. Leurs paupières étaient enfoncées dans leur tête, leurs mâchoires étaient sans dents, leur tête branlait lamentablement, leurs jambes tremblaient, et leurs cheveux étaient blancs comme du coton cardé. Et comme, pris de pitié, et oubliant finalement ma soif, je leur demandais quelle était la cause de leur habitation dans cette vieille citerne, elles me dirent : « Ô jeune homme secourable, nous avons encouru autrefois la colère de notre maître, le roi des genn de la Première Couche, qui nous priva de la vue et nous fit jeter dans ce puits. Et nous voici prêtes à te faire obtenir, par gratitude, tout ce que tu peux désirer. Toutefois, nous allons d’abord t’indiquer le moyen de nous guérir de notre cécité. Et, une fois guéries, nous sommes les achetées de tes bienfaits. » Et elles continuèrent ainsi :

« À une petite distance d’ici, en tel endroit, il y a une rivière, sur les bords de laquelle une vache, de telle couleur, vient paître ordinairement. Va chercher de la bouse fraîche de cette vache, enduis-en nos yeux, et, à l’instant même, nous recouvre-