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histoire splendide du prince diamant
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par quarante Éthiopiens sanguinaires, dont chacun commande à une armée de cinq mille nègres féroces. Or, ce roi Tâk-Tâk sera bienveillant envers toi à cause des objets que je te remets ; et il te fera même beaucoup d’amitiés, alors que d’ordinaire il a pour habitude de faire griller les passants de la route, et de les manger sans sel ni condiments. Et, toi, tu resteras deux jours en sa compagnie. Après quoi il te fera accompagner au palais de mon oncle Al-Simourg, grâce à qui tu pourras peut-être parvenir à la ville de Wâkâk, et résoudre le problème des rapports entre Pomme de Pin et Cyprès. » Et, comme conclusion, elle dit : « Surtout, ô Diamant, prends bien garde de t’écarter de ce que je dis, même de la différence d’un cheveu ! » Puis elle l’embrassa, en pleurant, et lui dit : « Et maintenant qu’à cause de ton absence ma vie devient un malheur pour mon cœur, jusqu’à ton retour je ne sourirai plus, je ne parlerai plus, et j’ouvrirai sans cesse à mon esprit la porte de la tristesse. Des soupirs s’élèveront constamment de mon cœur, et je n’aurai plus de nouvelles de mon corps. Car, sans force et sans soutien intérieur, mon corps ne sera désormais que le mirage de mon âme. » Puis elle se mit à réciter ces strophes :

« Ne rejette pas mon cœur loin de ces yeux dont le narcisse est amoureux.

Ô abstinent, il ne faut pas rejeter les plaintes des gens ivres, mais les reconduire à la taverne.

Mon cœur ne pourra se sauver de l’armée de tes moustaches naissantes ; et, comme la rose blessée, l’ouverture de ma robe ne sera pas recousue.