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histoire splendide du prince diamant
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remit en selle et prit, sans hésiter, la plus dangereuse des trois routes, celle du milieu. Et il y marcha un jour et une nuit, résolument. Et, au matin, un grand espace s’offrit à sa vue, qui était couvert d’arbres dont les branches allaient jusqu’au ciel. Et les arbres étaient disposés en haie qui servait de limite et d’abri contre le vent sauvage à un jardin verdoyant. Et la porte de ce jardin était fermée d’un bloc de granit. Et il y avait là, pour garder cette porte et ce jardin, un nègre dont le noir visage donnait une teinte sombre à tout le jardin, et à qui la nuit sans lune empruntait ses ténèbres. Et ce produit du goudron était gigantesque. Sa lèvre supérieure s’élevait bien au delà de ses narines, en forme d’aubergine, et sa lèvre du dessous retombait jusqu’à son cou. Il avait sur sa poitrine une meule de moulin qui lui servait de bouclier ; et une épée de fer chinois était attachée à sa ceinture, qui était une chaîne de fer tellement grosse que par chacun de ses anneaux un éléphant de guerre aurait pu, en toute aisance, passer. Et ce nègre était en ce moment couché tout de son long sur des peaux d’animaux, et, de sa bouche large ouverte, sortaient des ronflements fils du tonnerre.

Et le prince Diamant mit pied à terre, sans s’émouvoir, attacha la bridé de son cheval près de la tête du nègre, et, enjambant la porte de granit, il entra dans le jardin.

Et l’air de ce jardin était si excellent que les branches des arbres se balançaient comme des gens ivres. Et au-dessous des arbres paissaient de grands daims, qui portaient, attachés à leurs cornes, des orne-