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histoire de baïbars… (le 12e capitaine…)
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l’ordre au jardinier d’aller regarder les grenadiers. » Et le roi dit : « Bien. » Et il fit signe au jardinier d’aller voir sur les arbres si, oui ou non, il y avait des grenades hors de saison. Et le jardinier descendit au jardin, et trouva, sur un grenadier, une grosse grenade qui n’avait pas eu sa pareille parmi toutes les grenades passées. Et il la prit, et alla la porter au roi. Et le roi prit la grenade et s’en étonna prodigieusement ; et il ne sut s’il devait la garder pour lui-même ou s’il devait la donner à cet homme qui la réclamait pour sa femme tourmentée par les envies de la grossesse. Et il dit au vizir : « Ô mon vizir, je voudrais bien manger cette grosse grenade-là ! Qu’en penses-tu ? » Et le vizir lui répondit : « Ô roi, si l’on n’avait pas trouvé la grenade, est-ce que tu n’aurais pas coupé la tête au Maghrébin. » Il dit : « Oui, certes ! » Et le vizir dit : « Alors, la grenade lui revient de droit. »

Alors le roi remit, de sa propre main, la grenade au Maghrébin. Mais, dès que le Maghrébin l’eut touchée, la grenade éclata, et tous les grains jaillirent et s’éparpillèrent de tous côtés. Et le Maghrébin se mit à les ramasser un par un, jusqu’à ce qu’il fût arrivé au dernier grain qui était tombé dans un petit trou, au pied du trône du roi. Or, c’était dans ce grain-là qu’était cachée la vie de Môhammad l’Avisé. Et le Maghrébin allongea son cou vers ce grain, et tendit la main pour le prendre et l’écraser. Mais soudain un poignard sortit du grain, et se plongea de toute la longueur de sa lame dans le cœur du Maghrébin. Et il mourut à son heure, crachant son âme mécréante avec son sang.