Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 15, trad Mardrus, 1904.djvu/292

Cette page a été validée par deux contributeurs.
290
les mille nuits et une nuit

donc n’a-t-elle pu terrasser un jouvenceau tel que celui-ci ? Il faut donc qu’il y ait une cause cachée, et c’est cette cause qu’il vous faut découvrir. Sans quoi, votre science sera en défaut, et votre assistance se montrera à moi sans vertu, et je vous chasserai de mon palais et de ma ville ! »

Aussi, lorsque la nuit fut venue et que le garçon fut endormi, les médecins allèrent lui faire respirer le bang narcotique, et l’assoupirent profondément. Et ils examinèrent son corps point par point, en frappant dessus comme on frappe sur les jarres, et ils finirent par découvrir, à l’intérieur de sa poitrine, enveloppé dans ses entrailles, le cul de la poule. Et ils allèrent chercher leurs ciseaux et leurs instruments, firent une incision, et retirèrent le cul de la poule de la poitrine du garçon. Puis ils recousirent la poitrine, l’arrosèrent de vinaigre héroïque, et la remirent dans l’état où elle était.

Or, le matin, le garçon s’éveilla du sommeil narcotique, et sentit que sa poitrine était fatiguée, et que lui-même n’avait plus la même robustesse qu’auparavant. Car ses forces s’en étaient allées avec le cul de la poule, qui était doué de la vertu de rendre invincible celui qui l’avait mangé. Et, se voyant désormais en état d’infériorité, il ne voulut point s’exposer à tenter une épreuve dangereuse, et s’enfuit de peur que la jeune lutteuse le vainquît et le tuât.

Et, ses jambes livrées au vent, il ne cessa de courir qu’il ne fût hors de la vue du palais et de la ville. Et il rencontra trois hommes qui se querellaient entre eux. Et il leur demanda : « Pourquoi vous querellez-vous ? » Ils répondirent : « Pour une chose ! » Il leur