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les mille nuits et une nuit

cieux ? » Et la vieille vendeuse, ne pouvant croire à tant de générosité, répondit : « Pourquoi, ma fille, te moques-tu de moi qui suis pauvre ? » Et Dalal lui dit : « Mes paroles avec toi sont sincères, ma vieille mère ! » Alors la vieille ôta ses vêtements et les lui donna. Et Dalal s’en vêtit en hâte, mit la jatte de lupins sur sa tête, s’enveloppa du voile bleu en loques, se noircit les mains avec la boue du pavé du hammam, et sortit par la porte où était assis son époux le ghoul. Et, occupée tout entière par une épouvante énorme, elle passa devant lui, en criant d’une voix chevrotante : « Lupins rôtis qui distraient ! Arachides grillées qui amusent ! » comme font les vendeuses de profession.

Or, lorsqu’elle se fut éloignée, le ghoul, qui ne l’avait pas reconnue, sentit son odeur, avec son odorat de ghoul, et se dit : « Comment est-il possible que l’odeur de Dalal soit sur cette vieille vendeuse de lupins ? par Allah, je vais voir ce que peut bien être l’affaire ! » Et il cria : « Hé, la vendeuse de lupins ! hé, les arachides ! » Mais comme la vendeuse ne tournait pas la tête, il se dit : « Il vaut mieux que j’aille voir au hammam ! » Et il alla demander à la gardienne : « Pourquoi la dame que je t’ai confiée tarde-t-elle à sortir ? » Elle répondit : « Tout à l’heure elle sortira avec les autres dames, qui ne s’en vont que vers le soir, occupées qu’elles sont à s’épiler, à se teindre les doigts au henné, à se parfumer et à se natter les cheveux. »

Et le ghoul se rassura, et alla de nouveau s’asseoir devant la porte. Et il attendit là jusqu’à ce que toutes les dames fussent sorties du hammam. Et la gar-