Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 15, trad Mardrus, 1904.djvu/238

Cette page a été validée par deux contributeurs.
236
les mille nuits et une nuit

sent-ils des poulets ? Avoue, l’Avisé, que tout ça est un composé de mensonges sur mensonges ! » Et l’enfant répondit : « Je ne nie rien ! Mais toi aussi, ô roi, tu devrais ne point nier ni cacher tes vrais sentiments au sujet de ce pauvre homme de pêcheur, que tu veux tuer uniquement pour lui ravir sa femme, la belle, que tu as aperçue sur le rivage ! Eh oui, n’as-tu pas honte devant le visage d’Allah qui nous voit, de désirer, étant roi et sultan, ce qui ne t’appartient pas, et de voler le bien de ton semblable, moins riche et moins puissant, comme l’est ce pauvre pêcheur ? Par Allah et les mérites du Prophète — sur Lui la prière et la paix ! — je jure que si, à l’heure et à l’instant, tu ne laisses pas tranquille ce pêcheur et ne te désistes de tes mauvaises intentions à l’égard de sa femme, je ferai disparaître votre trace, à toi et à ton vizir, de la terre des hommes, de sorte que même les mouches ne sauront plus vous trouver. »

Et, ayant ainsi parlé d’une voix terrifiante, l’enfant emmailloté laissa tout le monde saisi de stupeur, et dit au pêcheur : « Maintenant, mon oncle, reprends-moi et porte-moi hors d’ici, dans ta maison. » Et le pêcheur prit le nouveau-né d’un jour, l’Avisé ; et, sans être inquiété par personne, il sortit du palais, et s’en alla content chez sa femme. Et lorsqu’elle eut appris ce qu’elle avait à apprendre, elle lui dit : « Il te reste à aller, sans retard, reporter l’enfant où tu l’as pris. Et ne manque pas de transmettre mon salam à mon amie chérie et mes mercis, et demande-lui des nouvelles de sa santé ! » Et le pêcheur dit : « Bien ! » Et il fit ce qu’elle lui avait dit de faire.