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histoire de baïbars… (le 1er capitaine…)
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taisant l’affaire ; et comme rien ne reste caché, il ne manquerait pas de l’apprendre d’un autre côté ; et j’y perdrais du coup ma place et ma tête. »

Et l’infortuné kâdi, à la limite de la stupeur, se tenait là, devant moi, les yeux large ouverts, semblant ne rien entendre, ni rien comprendre à tout cela. Et, plein de trouble et d’angoisse, il restait immobile, semblable à un arbre mort. Car la nuit s’étant faite dans son esprit, et il ne savait plus distinguer son bras droit de son bras gauche, ni le vrai du faux. Et lorsqu’il fut revenu quelque peu de son hébétude, il me dit : « Ô capitaine Moïn, c’est là une affaire obscure qu’Allah seul peut comprendre. Mais, si tu veux ne pas l’ébruiter, tu ne le regretteras pas ! » Et, ce disant, il se mit à me combler de prévenances et d’égards. Et il me remit un sac qui contenait, en quantité, autant de dinars d’or qu’il en avait perdus. Et il acheta de la sorte mon silence et éteignit un feu dont il redoutait les dégâts.

Alors je pris congé du kâdi, que je laissai anéanti, et allai rendre compte de l’affaire à l’adolescente, qui me reçut en riant, et me dit : « Il est certain qu’il n’y survivra pas ! » Et, de fait, ô mon seigneur le sultan, trois jours ne se passèrent point que je n’apprisse la nouvelle que le kâdi était mort par rupture de sa poche à fiel. Et, comme je ne manquai pas de rendre visite à l’adolescente pour la mettre au courant de ce qui s’était passé, les servantes m’apprirent que leur maîtresse venait de partir avec la fille du kâdi, pour une propriété qu’elle possédait sur le Nil, près de Tantah. Et moi, émerveillé de