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les mille nuits et une nuit

ser. Et, à ce moment, tu te trouveras dans la cuisine de la maison. Alors, comme par hasard, tu regarderas au fond d’une grande jarre à huile, dont tu soulèveras le couvercle, et tu t’écrieras : « Hé, un instant ! attention ! je vois quelque chose là-dedans. » Et tu enfonceras ton bras dans la jarre, et tu sentiras là-dedans quelque chose comme un paquet de vêtements. Et tu le retireras, et tu verras, et tous les assistants verront avec toi, mon voile, ma chemise, mon caleçon et le reste de mes habits. Et le tout sera taché de sang coagulé. À cette vue, tu triompheras, et le kâdi sera confondu ; et son teint sera jaune, et ses jointures trembleront ; et il s’effondrera et peut-être mourra. Et, s’il ne meurt pas du coup, il fera tout son possible, afin que son nom ne soit pas mêlé à cette singulière aventure, pour étouffer l’affaire. Et il achètera ton silence par beaucoup d’or. Et c’est là ce que je te souhaite, ô capitaine Moïn ! »

À ce discours, je compris quel plan merveilleux elle avait combiné pour se venger du kâdi. Et j’admirai son esprit ingénieux, sa rouerie et son intelligence. Et je me considérai comme hors de peine désormais, et en restai stupéfait et comme étourdi. Mais je ne tardai pas à prendre congé de l’adolescente, pour suivre la marche convenue. Et, comme je lui baisais la main, elle me glissa entre les doigts une bourse de cent dinars, en me disant : « C’est pour tes dépenses d’aujourd’hui, ô mon maître. Mais, inschallah ! tu connaîtras mieux bientôt la générosité de ton obligée. » Et moi je la remerciai vivement, et ne pus, tant j’étais conquis par