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les mille nuits et une nuit

se trouver la jeune femme aux amours étranges. Et l’odeur riche et étonnante que je sentis dès l’entrée de la rue me fit présager sa présence. Et bientôt j’entendis le cliquetis de ses bracelets de mains et de chevilles. Et je dis à mes hommes : « Je crois bien, ô fils, que je vois là une ombre ! Mais, quelle riche odeur ! » Et ils regardèrent de tous côtés, pour en découvrir la source. Et nous vîmes la belle en question, couverte de soieries et lourde de brocarts, qui nous regardait venir, penchée et l’oreille tendue. Et je m’approchai d’elle, faisant l’ignorant, et lui adressai la parole, disant : « Quelle dame, belle et parée, et toute seule à pareille heure, ô ma maîtresse, es-tu donc pour ne rien redouter de la nuit et des passants ? » Sur ce, elle me fit la réponse dont nous étions la veille convenus ; et je me tournai vers mes hommes, comme pour leur demander leur avis. Et ils me répondirent : « Ô notre chef, nous allons, si tu veux bien, conduire cette femme dans ta maison, où elle sera mieux que partout ailleurs. Et elle t’en saura gré, nous n’en doutons pas, car elle est riche certainement, et belle, et parée de précieuses choses. Et tu en feras ce que tu en feras ; et le matin tu la rendras à sa mère qui l’aime ! » Et je leur criai : « Taisez-vous ! Je me réfugie en Allah contre vos paroles ! Est-ce que ma maison est digne de recevoir une pareille fille d’émir ? Et puis, vous savez que je demeure fort loin d’ici ! Le mieux serait de demander pour elle l’hospitalité au kâdi du quartier, dont c’est ici précisément la maison. » Et mes hommes me répondirent par l’ouïe et l’obéissance, et se mirent à frapper à la porte du kâdi, qui s’ou-