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les mille nuits et une nuit

tardive, toute seule dans la rue, ô dame de haut rang ? » Et je te répondrai : « Ouallahi, ô vaillant capitaine, moi je suis une jeune fille du quartier de la citadelle, et mon père est un des émirs du sultan. Or, aujourd’hui je suis sortie de notre maison et de notre quartier, et me suis rendue en ville pour faire quelques achats. Et une fois que j’eus acheté ce que je voulais, et commandé ce que j’avais à commander, je me suis trouvée en retard ; car, arrivée à notre quartier de la citadelle, j’en vis les portes déjà fermées. Et alors, espérant trouver quelque personne de ma connaissance chez qui passer la nuit, je redescendis en ville ; mais, pour mon mauvais sort, je ne rencontrai personne. Et désolée de me trouver ainsi, moi une fille de notable, sans gîte au milieu de la nuit, je vins m’asseoir au seuil de cette demeure-ci, qu’on m’a dit être celle du kâdi, afin que son ombre me protège. Et, avec le matin, je m’en retournerai chez mes parents, qui doivent me considérer maintenant comme morte ou, pour le moins, comme perdue. » Alors toi, ô capitaine Moïn, comme tu es intelligent, tu verras que je suis, en effet, vêtue de riches vêtements, et tu penseras : « Il n’est pas permis à un musulman de laisser dans la rue une femme si belle et si jeune, toute couverte de perles et de bijoux, qui pourrait être violentée et volée par les vauriens. D’ailleurs, si pareille chose se produisait dans le quartier, c’est moi-même, capitaine Moïn, avec mon œil, qui serais responsable de l’attentat, devant notre maître le sultan. Il faut donc que, d’une manière ou d’une autre, je prenne sous ma protection cette charmante personne. Je