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histoire de baïbars… (le 1er capitaine…)
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est dans mes entrailles à l’égal d’un feu pétillant. Et j’aurais mille langues et mille cœurs, que cette passion ne serait pas plus vive tant j’en suis imbue. Or, cette adorée n’est autre que la fille du kâdi de la ville. Et entre elle et moi est arrivé ce qui est arrivé. Et c’est là un mystère d’amour. Et entre elle et moi un pacte passionné est conclu par traité, par promesses et par serment. Car elle brûle pour moi d’une égale ardeur. Et jamais elle ne se mariera, et jamais un homme ne me touchera. Et nos relations duraient déjà depuis un certain temps, et nous étions devenues inséparables, mangeant ensemble, et buvant à la même gargoulette, et dormant dans le même lit, quand un jour le kâdi, son père, cette barbe maudite, s’aperçut de nos relations et y coupa court en isolant complètement sa fille, et en me disant qu’il me casserait les mains et les pieds si je rentrais dans sa demeure. Et depuis lors je n’ai pu voir l’adorée, qui, je l’ai appris indirectement, est devenue comme folle en raison de notre séparation. Et c’est précisément pour soulager mon cœur et lui rendre quelque joie, que je me suis décidée à venir te trouver, ô inégalable capitaine, sachant que de toi seul peuvent venir la joie et le soulagement ! »

Or moi, ô mon seigneur le sultan, en entendant ces paroles de l’incomparable adolescente que j’avais devant mes yeux, je fus stupéfait à la limite de la stupéfaction, et je me dis en moi-même : « Ô Allah Tout-Puissant ! Et depuis quand les jouvencelles se transforment-elles en jouvenceaux, et les chevreaux en boucs ? Et quelle sorte de passion et quelle espèce d’amour peuvent être la passion et l’amour d’une