Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 15, trad Mardrus, 1904.djvu/198

Cette page a été validée par deux contributeurs.
196
les mille nuits et une nuit

pesant comme l’arrêt du jugement dernier. Et c’était une bourse pleine et cachetée. Et je la pris dans mes mains et l’ouvris et en versai le contenu dans le pli de ma robe. Et je comptai jusqu’à cent drachmes, pas un de plus, pas un de moins. Et j’eus beau regarder de tous côtés, au-dessus de ma tête et autour de moi, je ne pus découvrir la personne qui l’avait laissé tomber. Et je dis : « Louanges au Seigneur, Roi des royaumes du Visible et de l’Invisible ! » Et je fis disparaître la fille dans le sein de son père. Et voilà pour elle !

Et, le lendemain, mon service m’avait appelé au même endroit que la veille ; et j’étais là depuis un certain moment, et voici qu’un objet me tomba lourdement sur la tête et me mit de fort mauvaise humeur. Et je regardai d’un air furieux, et je vis, par Allah ! que c’était une bourse pleine, en tous points la sœur de la chérie de son père, à qui j’avais accordé le droit d’asile contre mon cœur. Et je l’envoyai se réchauffer à la même place, pour tenir compagnie à son aînée et protéger sa pudeur contre les désirs indiscrets. Et, comme la veille, je levai ma tête et la baissai, et tournai mon cou et le retournai, et pirouettai sur moi-même et m’immobilisai, et regardai à ma droite et à ma gauche, mais sans réussir à trouver trace de l’expéditeur de cette charmante bienvenue. Et je me demandai : « Dors-tu ou ne dors-tu pas ? » Et je répondis : « Je ne dors pas. Non, par Allah ! le sommeil n’est pas sur moi. » Et, comme si de rien n’était, je serrai les pans de ma robe, et sortis du palais d’un air indifférent, en crachant par terre tous les quelques pas.