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histoire de la jouvencelle…
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Quant à Al-Rachid, dans sa joie de retrouver sa bien-aimée Chef-d’œuvre des Cœurs, il fit décorer et illuminer Baghdad, d’une rive à l’autre rive, et donna des fêtes splendides, où nul pauvre ne fut oublié. Et, durant ces fêtes, Ishak Al-Nadim, qui fut plus que jamais élevé en honneurs et en dignités, chanta en public le chant que ne manqua pas, par reconnaissance, de lui enseigner Tohfa, et qu’elle avait elle-même appris d’Éblis — qu’il soit à jamais confondu !

Et Al-Rachid et Chef-d’œuvre des Cœurs ne cessèrent de vivre de la vie délicieuse, dans la prospérité et l’amour, jusqu’à l’arrivée inéluctable de la Pourvoyeuse des tombeaux.


— Et telle est, ô Roi fortuné, continua Schahrazade, l’histoire de l’adolescente Tohfa, Chef-d’œuvre des Cœurs, lieutenante des oiseaux.

Et le roi Schahriar s’émerveilla de ce récit de Schahrazade, à la limite de l’émerveillement, surtout des poèmes et des chants des fleurs et des oiseaux, et notamment du chant de la Huppe et du chant du Corbeau. Et il pensa en son âme : « Par Allah ! cette fille de mon vizir a été pour moi une bénédiction insigne. Et une personne de son mérite et de ses qualités ne mérite pas la mort. Il faut donc, avant que je me décide définitivement à son sujet, que je réfléchisse encore quelque temps. Et puis ! elle a peut-être d’autres histoires non moins admirables à me raconter ! » Et il se sentit dans un état d’exaltation qu’il n’avait jamais éprouvé jusque-là, tellement qu’il ne put s’empêcher de serrer soudain Schahrazade contre son cœur, et de lui dire : « Bénies soient les filles qui te ressemblent, ô Schahrazade. Cette histoire m’a ému à