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les mille nuits et une nuit

riya. Oui, certes ! je me réjouirai de me réveiller sous ton souffle, et de te sentir couchée contre moi. » Et là-dessus elles s’embrassèrent une dernière fois, et se firent mille salams et mille serments d’amants.

Alors Éblis vint courber le dos devant Tohfa, et la prit à califourchon sur son cou. Et, au milieu des adieux et des soupirs de regret, il_ s’envola avec elle suivi de près par les genn portefaix qui portaient sur leur dos les armoires. Et, en un clin d’œil, ils arrivèrent tous, sans encombre, dans le pavillon de l’émir des Croyants, à Baghdad. Et Éblis déposa délicatement Tohfa sur son lit ; et les portefaix rangèrent en bon ordre contre le mur les douze armoires. Et, après avoir embrassé la terre entre les mains de la lieutenante des oiseaux, ils se retirèrent tous, Éblis en tête, sans faire le moindre bruit, comme ils étaient venus.

Or, lorsque Tohfa se retrouva dans sa chambre à elle et sur son lit à elle, il lui sembla qu’elle n’en était jamais sortie ; elle crut que tout ce qui lui était arrivé n’était qu’un rêve. Aussi, pour s’assurer de la réalité de ses sensations, prit-elle son luth, et l’accorda-t-elle, et y joua-t-elle, sur le mode nouveau qu’elle avait appris d’Éblis, en improvisant des vers sur le retour. Et l’eunuque qui gardait le pavillon entendit le jeu et le chant, à l’intérieur de la chambre, et s’écria : « Par Allah ! ceci est le jeu de ma maîtresse Tohfa ! » Et il se précipita au dehors, courant comme un homme poursuivi par une horde de Bédouins, et, tombant et se relevant, tant il était ému, il arriva auprès du chef eunuque, Massrour le porte-glaive, qui était de garde, selon sa coutume, à